#25

Journal d’une femme de chambre

D’Octave Mirbeau

Résumé de la pièce

Assurément, Célestine n’est pas une héroïne châtie. À la fois le cœur sur la main,
le calcul derrière la tête et les illusions rassemblées en un bagage peu encombrant,

elle sent filer l’âge de l’insouciance piquante et finira elle-même patronne, pas plus

tendre que celles dont elle dénonçait la mesquinerie. Le couple qu’elle désire former

avec Joseph, bien plus vieux, pas romantique pour un sou, roublard, peut-être ancien

bagnard, peut-être infanticide, assur ment cagot, antisémite et antidreyfusard, mais

qu’elle a dans la peau, n’est pas non plus vraiment classique. Mais que voilà un

texte éblouissant de vachardise et d’humour, équitablement répartis envers « ceux

d’en-bas » et « ceux d’en-haut » ! Mirbeau flirte avec le scabreux comme dans les

meilleures comédies boulevardières, avec le ralisme noir d’un Zola, mais d’un geste

toujours léger, complice : sauf pour vitrioler la r publique des « lois sclrates »

contre « l’anarchie ». Paradoxe : ses hros, que la vie a pourtant cabosss, prfrent

l’ordre à la rvolution, comme s’il s’agissait de l’ultime tape de leur asservissement.

De quoi faire encore rflchir.

Note de l'auteur(e)

Il est des œuvres qui traversent le temps d’une façon inattendue ; ainsi en est-il pour moi du Journal d’une femme de chambre. Là où la mémoire garderait facilement les images de petites bottines et autres coquineries des maîtres de maison (qui me semblent bien anecdotiques aujourd’hui) ou même, et c’est déjà plus piquant, l’image d’un asservissement féminin insupportable, finalement, ce texte transpire davantage un portrait social et politique d’une époque incroyablement compliquée, nauséabonde et pleine d’enseignements et de questions.

D’abord, le personnage de Célestine est une figure passionnante ; la victime des tyrannies bourgeoises mesquines devenant elle même pire que ceux qui l’ont asservie, à la fin, inspire certes la compassion mais une grande horreur et lucidité sur la nature humaine. Mirbeau a un regard sans complaisance sur nos travers ; on sombre toujours, l’obscurité de nos désirs nous tire vers le bas, vers l’indicible.

Les autres protagonistes de l’histoire ne valent pas mieux et constituent un petit pandémonium bien grinçant. Un manège de figures un peu grimaçantes mais séduisantes, voire aveuglantes. Ainsi en est-il de Joseph, l’individu le plus trouble qui soit, démon et paysan brutal, assassin peut-être, raciste et xénophobe sans scrupules. Mais aussi celui qui donne des réponses, celui qui dit comment il faut faire, d’une main de fer, et qu’on se laisse guider par lui sans broncher et le monde irait bien mieux. Sans se poser de questions puisqu’on connaît les coupables, les responsables et donc les solutions. Enfin lui, Joseph et quelques avertis.

Etrange monde où il faudrait donc suivre celui qui parle le plus fort ; pas le plus volubile, celui qui laisse faire le silence du sous-entendu nauséabond ; pas le plus beau, celui qui a été cabossé par la vie et qui s’en est sorti ; celui qui répand une sorte de mystère déroutant.

Je ne dirais pas que l’histoire se répète, il semblerait plutôt qu’elle bégaye ; elle reprend les mêmes motifs, les arrange à peine autrement, et relance la roue de la haine, du massacre ou simplement de la détestation de l’autre. Toujours.

Voilà pourquoi nous travaillerons avec un décor de tournette ; un petit manège très simple, manipulé par les acteurs, ou plutôt par les personnages entraînant avec eux la mélodie des frustrations, des espoirs fallacieux, des tromperies et de l’avenir le plus noir sous son voile de promesse.

Ce Journal nous invite à plonger non seulement dans les noirceurs de l’âme humaine mais dans les mécanismes de fabrication du pire.

 

Christine Berg, avril 24

Mise en scène et adaptation : Christine Berg

Avec : Pauline Bolcatto, Guillaume Clausse, Maud Pougeoise

Régie, son, lumières : Victor Duplant

Administration : Agnès Prévost

La compagnie ici et maintenant théâtre est conventionnée avec la Ville de Châlons-en-Champagne. Le spectacle est soutenu par la Ville de Reims.