Laurel et Hardy vont au paradis
de Paul Auster
Mise en scène de Christine Berg
Traduit par Christine Le Boeuf
Avec
Valentin Boraud, Antoine Philippot
Lumières de
Elie Romero
Administration
Anne Delépine
La compagnie ici et maintenant théâtre est conventionnée avec le Ministère de la Culture/Direction Régionale des Affaires Culturelles de Champagne-Ardenne, avec l’ORCCA/Conseil Régional de Champagne-Ardenne, et subventionnée par les Villes de Châlons-en-Champagne et Reims, ainsi que par le Conseil Général de la Marne. 
La pièce
Deux personnages, dénommés Laurel et Hardy (comme les célèbres clowns américains des années 1920), surgissent au petit matin dans une sorte de terrain vague et doivent exécuter des ordres inscrits dans un grand livre.
Ces ordres sont les suivants : après une série d’exercices physiques et spirituels (!), les 2 protagonistes ont ensuite l’obligation, avant la tombée de la nuit, de construire un mur de 18 pierres.
Ces pierres sont lourdes et la tâche aussi absurde qu’épuisante…et vaine puisqu’ils devront recommencer le lendemain et le surlendemain…Ils ne savent plus, du reste, ni quand ils ont commencé, ni qui leur donne ces ordres, ni même pourquoi ils le font.
Ils redoutent la venue d’un « inspecteur » qui n’arrivera pas plus que Godot…
Ils exécutent pourtant leur labeur, au prix d’efforts surhumains, de conflits et de renoncements.
Et la journée s’achève dans la promesse d’un lendemain strictement semblable au précédent.
Premières hypothèses de mise en scène
C’est un curieux petit bijou que cette œuvre.
Au premier abord, on peut n’y voir qu’une pochade comique en référence aux deux célèbres acteurs du cinéma américains : Laurel et Hardy s’amusent toujours de tous leurs déboires et on finit par une chansonnette qui reste dans les mémoires.
Déjà pourtant, dans cette simple référence, on pressent qu’il y aura davantage qu’une galipette burlesque car ces deux clowns là portent aussi une étrange tristesse dans certains de leurs films…Y aurait-il donc là autre chose que le premier fast-food ?
Incontestablement, oui ; très vite, une fois l’argument mis en place (les deux personnages doivent construire un mur comme le leur ordonne le livre, et ils le font), on se sent glisser dans un univers plus tragique qu’absurde. La nature même du dialogue, se rétrécissant lui aussi comme l’horizon de cette situation aveugle, nous entraîne dans une spirale à la Beckett, rien moins.
En effet, ce que vivent ces deux personnages n’a rien d’humain : on pourrait vivre dans le simple accomplissement stupide d’une tâche épuisante et toujours répétée ? Bien sûr que non… mais c’est pourtant cela que Paul Auster donne à voir.
De là découle une cascade de questions, dont toutes n’ont pas de réponse : qu’est-ce qui fait un être humain si ce n’est sa capacité à se révolter contre la tyrannie ? Peut-on vivre sans culture, sans aucune élévation spirituelle, sans aucun rapport à l’art ? La seule question au fond n’est-elle pas tout simplement celle de la mort, la mort au milieu du vivant, impossibilité ou suicide annoncé…
Pour autant, tout cela n’est pas triste ; c’est bien trop grave pour être triste et Auster le traite avec beaucoup d’humour.
Soient donc 2 acteurs et 18 pierres sur un plateau nu + un saxophoniste + des spectateurs.
L’équation est plus complexe qu’il n’y parait, il faudra dénouer les fils de la pelote et les spectateurs seront eux aussi dans le labyrinthe.
Paul Auster nous livre une énigme philosophique en forme de condensé comique. Est-ce bien au paradis que nous suivons Laurel et Hardy ?
Christine Berg

Paul Auster (1947)
Ecrivain américain né à Newark dans le New Jersey, Paul Auster sera très vite au contact des livres par l'intermédiaire d'un oncle traducteur, ce qui l’amènera à l'écriture dès l'âge de douze ans.
Une fois à l'université, il commence à traduire des auteurs français (Jacques Dupin et André du Bouchet) et découvre Paris.
Dans les années 1971 à 1974, il vit de ses traductions (Mallarmé, Sartre, Simenon) et écrit des poèmes et des pièces de théâtre en un acte.
Il commence à être reconnu comme écrivain majeur à partir des années 80 avec notamment La Trilogie New-Yorkaise (La Cité de verre de 1985), puis des œuvres majeures comme Moon Palace (1990) et Le Léviathan (1993), Laurel et Hardy vont au paradis (2000). Il sera aussi reconnu dans le monde du cinéma par l'adaptation de plusieurs de ses œuvres, mais aussi par l'écriture de scénarios (Smoke, Brooklyn Boogie, Lulu on the Bridge).
Son œuvre se situe dans le mouvement du post-modernisme et son style en apparence très dépouillé, cache une architecture narrative complexe, faite de digressions exagérées mais toujours pertinentes, d’histoires dans l'histoire et de trompe-l’œil. Il décrit aussi la perte, la dépossession, le rapport à l'argent, l'errance et s'interroge aussi sur l'identité.
