L'Atelier volant

de Valère Novarina

Mise en scène de Christine Berg

Avec
Alice Carel, Laurent Davy et Eric Nasuti, Mélanie Faye, Laurent Nouzille, Vincent Parrot, Marine Rigolo

Scénographie
Emmanuel Charlier

Lumières de
Pablo Roy

Musique de
Lyonnel Borel

Costumes
Nathalie Charbaut

Maquillage
Nathalie Charbaut

Régie
Grégory Serres

Coproduction
ici et maintenant théâtre /Théâtre du Jard-Rive Gauche
Administration
Laurence Levasseur
Projet soutenu par la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Champagne-Ardenne, l’ORCCA / Conseil Régional de Champagne-Ardenne, le Conseil Général de la Marne et la SPEDIDAM.Avec le soutien de La Comédie de Reims / Centre Dramatique National

Extraits de la Lettre aux acteurs écrite pendant les répétitions de L’Atelier volant , à l’intention des comédiens qui ont crée la pièce en 74.

«(…)Cet Atelier volant vole bas, faut l'dire... Parce que ce n'était pas seulement un raccourci perspicace sur l'usine du monde, mais une descente aussi et en même temps dans l'usine dedans... Ça n'est pas vraiment vu de l'extérieur tout ça, pour la bonne raison que celui qui tenait l’crayon n'avait jamais mis les pieds dans aucune fabrique, et qu'il n'y a pas de visite à faire pour trouver d'l'oppression, mais simplement vouloir bien descendre un peu dans son corps. Courage! Bon. Et puis, L'Atelier volant il démonte un peu la mécanique sociale, mais il montre surtout ses maladies. Maladies de l'acteur. Défilons, défilons, montrons nos culs à la bête troupe des bien portants ! « J'leur montre comme je meurs. » Ça fait peur, c'est du suicide de jouer comme ça, j'meurs de rire! Mon plaisir (faut toujours essayer de dire un peu où on le prend, hé les artistes !), c'est pas du tout que l'acteur me restitue les anciennes répliques imposées, mais c'est de voir souvent, de plus en plus, le vieil alcool longtemps bouché avoir sur lui des effets spectaculaires; de voir le vieux texte tout brûlé, tout détruit par la danse de l'acteur portant tout son corps devant lui.

Le théâtre est un riche fumier. Tous ces metteurs qui montent, ces satanés fourcheurs qui nous remettent des couches de dessus par dessus les couches du fond, de c'bricabron d'théâtruscule d'accumulation d'dépôts des restes des anciennes représentations des postures des anciens hommes, assez, glose de glose, vite, vive la fin de c'théâtre qui ne cesse pas de s'recommenter l'bouchon et d’nous rabattre les ouïes, oreilles et oreillons d'gloses de gloses, au lieu de tendre grand ses pavillons à la masse immense de tout ce qui se dit, qui s'accentue aujourd'hui, qui tire dans tous les sens la vieille langue imposée, dans l'boucan épatant des langues nouvelles qui poussent la vieille qui flanche qui en peut plus!
C'est l'acteur qui va tout révolver. Parce que c'est toujours dans le plus empêché que ça pousse. Et ce qu'il pousse, qui va le pousser, c'est d'la langue qu'on va revoir enfin sortir par l'orifice.(…)»
Valère Novarina

La pièce
Bien qu’elle affiche une structure baroque, avec 7 journées (comme la Genèse..), des changements de lieux très nombreux et 29 personnages, la fable reste néanmoins intelligible.
On pourrait dire : « Monsieur et madame Bouche, couple machiavélique et ubuesque, dirigent, avec les conseils du Docteur, un atelier d’usine dans lequel travaillent, se révoltent et meurent L’homme objet, L’homme au mât, L’homme au char, Le chantre et Paul D’Uf.»

Première journée
Né du néant de son nombril, Monsieur Bouche, flanqué de madame, recrute des ouvriers. Variations sur le travail « à l’américaine » : productivité, rentabilité.
Deuxième journée
Embryons de révolte chez les ouvriers ; Bouche les envoie en vacances pour les calmer.
Troisième journée
Reprise du travail ; les ouvriers râlent, renâclent ; Bouche déguise madame pour infiltrer le milieu et tenter de l’endormir, mais en vain, les ouvriers se révoltent et veulent être augmentés ; Bouche décide de leur parler.
Quatrième journée
Bouche et sa femme organisent des jeux type télévision ; les ouvriers ne maîtrisent pas la langue donc pas le pouvoir ; on leur passe un film d’amour et on les endort.
Cinquième journée
La production de l’atelier se détraque ; Bouche tue L’homme au char pour récupérer son chapeau et le produire ; les veuves de L’homme au char fabriquent les chapeaux mais ils ne se vendent pas ; Bouche déprime et lance un gaz qui fait perdre aux ouvriers leurs cheveux ; ils achètent les chapeaux, fin de la crise.
Sixième journée
Les ouvriers chauves décident d’exterminer Bouche ; madame Bouche et lui, se déguisent en comédiens et organisent une loterie ; Madame Bouche en Vénus, séduit L’homme objet qui tombe.
Septième journée
L’homme au mât, désespéré, est monté au sommet du théâtre ; il harangue « Le monde se lève…» ; les Bouche et le docteur tentent de le faire descendre ; il finit par se jeter en bas ; tout est rentré dans l’ordre.

Premières notes de travail


Un décor d’atelier, d’atelier de construction.
Un lieu de travail. Dur.
Des engrenages, des machines.
Ca tourne, ça broie, ça avance, ça grince et ça passe. Comme le temps.Sauf que c’est l’homme qui agit sur ces machines.
Mais l’homme n’est pas bon…
Et « l’homme ne vient pas d’l’animal, il y va
La truculence de cette langue me fascine.
Elle n’est ni anecdotique, ni pittoresque.
Elle est une formidable résistance au monde,
elle est révolutionnaire,
elle ouvre l’horizon.

Hypothèse scénographique



Un échafaudage.
Des tubes, du fer, des colliers, de la ferraille, de la rouille.
L’architecture de l’échafaudage forme un labyrinthe dans lequel, comme des insectes, se trouvent les personnages.
Mais on n’est pas seulement dedans,
on peut être aussi dessus,
dessous,
devant…
On peut, tel L’homme au mât, se jeter du haut de cette construction et s’écraser en bas…
Ce qui fait dire à Bouche :
« Le chat est-il redescendu du toit ? »
Et Madame Bouche lui répond (les derniers mots de la pièce) :
« Oui, oui. Oui, oui. »

Surtout ne pas oublier la poésie dans tout ça.

Ne pas tomber dans une esthétique du misérabilisme, trouver un décalage chronologique pour les costumes.
Les ouvriers sont des employés ; ils vivent dans les années 60, cette belle époque de prospérité sociale.
Se détacher de « l’agit-prop »…Ce n’est pas tant que le patron exploite l’ouvrier, certes, c’est surtout que « l’homme est un loup pour l’homme »…

Nécessité de la musique



Le poumon de cette construction, c’est la musique.
La musique aura deux axes :

• la musique industrielle, celle de l’atelier, du labeur ; c’est la musique des matières (fer, ferraille, coups, vacarme), celle des machines (percussions, répétitions) et elle aura aussi son harmonie.
• la musique des hommes, celle de l’esprit… et on prendra la fanfare pour le grand cirque de la vie ; des cuivres brillants et désespérés, « l’ boucan épatant des langues nouvelles », voire quelques refrains.

La musique ne sera pas une illustration de ce qui se passe sur scène, elle racontera elle aussi l’histoire, elle racontera son histoire, c’est elle qui impulsera les changements, c’est elle qui fera le décor.
La musique c’est l’abstraction par excellence, ça ne raconte rien et ça raconte aussi très concrètement ce qu’on veut lui faire raconter.
On fera une mise en scène sonore, comme on dit quelquefois d’une mise en scène qu’elle est picturale.

Christine Berg, juin 2000

«… Quoi, quoi, quoi? Pourquoi on est acteur, hein?
On est acteur parce qu'on ne s'habitue pas à vivre dans le corps imposé, dans le sexe imposé.
Chaque corps d'acteur c'est une menace, à prendre au sérieux,
pour l'ordre dicté au corps, pour l'état sexué;
et si on se retrouve un jour dans le théâtre
c'est parce qu'il y a quelque chose qu'on n'a pas supporté.
Dans chaque acteur il y a,
qui veut parler,
quelque chose comme du corps nouveau…»

Valère Novarina

l'auteur

NOVARINA Valère (Genève, 1942)


« Ecrivain et dessinateur français, Novarina n’aura été un dramaturge au sens propre qu’à ses débuts (L’Atelier volant, 1971).
Très vite, il n’écrit plus « pour le théâtre mais vers le théâtre – avec l’acteur comme objet de désir. » précise-t-il dans son journal Le drame dans la langue française (1974).
La représentation scénique est le dernier avatar du texte.
Le drame est avant tout intérieur : théâtre dans la tête, théâtre en liberté (on dénombre 2587 personnages dans Le drame de la vie).
Nous sommes conviés au grand théâtre de la langue : un théâtre d’opérations où le corps de la langue maternelle est furieusement éventré, jusqu’à exhiber ses origines et ses dessous .
Et au terme de cette jubilation philologique toute rabelaisienne, qui a pour effet de modifier la morphologie, de changer les racines, d’introduire des barbarismes, des néologismes, des lapsus, de faire apparaître par bribes des boutures de patois, d’argot, surgit une langue neuve, désenchaînée, où le sens lui-même se dilue parfois dans le mouvement torrentiel de l’écriture. »
Dictionnaire encyclopédique du théâtre M.Corvin

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