Lettres à Louise

de Gustave Flaubert

Mise en scène de Christine Berg

Avec
Mélanie Faye et Antoine Philippot

Scénographie
Pierre-André Weitz

Lumières de
Elie Romero

Musique de
Gabriel Philippot

Costumes
Pierre-André Weitz

Maquillage
Pierre-André Weitz

Directeur de production
Coproduction
Production ici et maintenant théâtre
Administration
Anne Delépine
La compagnie ici et maintenant théâtre est conventionnée avec le Ministère de la Culture / Direction Régionale des Affaires Culturelles de Champagne-Ardenne, avec l’ORCCA / Conseil Régional de Champagne-Ardenne et subventionnée par la Ville de Châlons-en-Champagne. Projet soutenu par le Conseil Général de la Marne.

La correspondance avec Louise


Lorsqu’en juin 1846, Gustave Flaubert rencontre Louise Colet alors qu’elle pose pour le sculpteur Pradier, il a 24 ans, elle en a 35… l’âge d’Elisa Schlésinger. Ils deviennent amants au cœur de l’été 1846. 11 ans les séparent mais surtout une profonde différence de tempérament et d’aspirations. Le Gustave qu’aima Louise était bien trop encombré du Flaubert naissant pour laisser une place suffisante à la passion qui les lia pourtant.On a peine à imaginer à quel point fut célèbre la femme que rencontre Flaubert chez Pradier. Musset et Vigny, qui seront ses amants, Leconte de Lisle et les fils Hugo, fréquentent son salon ; ses poèmes ont été déjà couronnés 2 fois par l’Académie Française dont elle tutoie certains des membres. A la même époque, Flaubert n’est qu’un jeune romancier génial en puissance ; il n’a rien publié depuis ses années de collège…Mais il porte beau et a tout l’entregent nécessaire pour concurrencer même un Victor Hugo dans les soirées du sculpteur Pradier. La passion enfiévrée des premières semaines ne fait pas de doute. Mais alors même qu’il affirme l’adorer, quelques jours après la première étreinte, il lui écrit : « La contemplation d’une femme nue me fait rêver à son squelette […] Va, je t’aurais bien aimée avant que je ne t’aime plus. » La mort et le deuil travaillent l’imaginaire flaubertien (sa sœur Caroline est morte 3 mois avant la rencontre avec Louise).
La liaison de Gustave et Louise se déroule en 2 actes. De l’été 1846 à l’été 1848, la passion s’essouffle progressivement. On lit sur le dernier billet à Louise du 2 août 1848 : « Merci du souvenir » Flaubert quitte Paris avec Du Camp le 20 octobre pour un voyage en Orient qui va durer plus de 2 ans. Louise ne reçoit pas une seule lettre. Ils renouent en juillet 1851à l’instigation de Louise qui ne parvient pas à l’oublier, et se quitteront définitivement en mars 1855, pour ne plus jamais se revoir.
Personnalité plus ambiguë qu’il n’y parait, Louise a toutes les caractéristiques d’une femme sentimentale (« plus sentimentale qu’artiste » dira Flaubert de sa Bovary), déchirée entre la passion d’un homme qui la fuit et les coups de cœur qui l’attachent sporadiquement à tel ou tel.
Flaubert rêve de faire de Louise un être androgyne : « Je voudrais, qu’hermaphrodite nouveau, tu me donnasses avec ton corps toutes les joies de la chair et avec ton esprit toutes celles de l’âme. » Dire qu’il ne l’a pas aimée serait faux ; à mesure que s’estompe le feu des premiers moments amoureux, la relation devient de plus en plus intellectuelle et les rôles s’inversent : Flaubert, qui demandait conseil, finit par en donner. Le voilà qui corrige les textes de Louise, écrit des articles pour elle. Mais surtout, elle devient sa première lectrice et le prétexte à des enthousiasmes sans danger, celle sur laquelle il teste le pouvoir de ses écrits. Dans la solitude de Croisset, Flaubert parle à un « fantôme », et, là-bas, une femme de chair supplie et se révolte, se rend même dans la tanière de l’ermite qui la renvoie ignominieusement…
C’est donc à « l’intelligence virile » de Louise Colet que Flaubert adresse la quasi-totalité de ses lettres, du moins dans la seconde partie de leur liaison. Il souhaite « moins de personnalité féminine, une conception plus universelle de la vie » à Louise, qui réclame des déclarations « pohêtiques » et sentimentales, à quoi Flaubert répond qu’il ne faut être femme qu’au lit et qu’il n’y a pas de plus belle preuve d’amour que de parler d’un sujet aussi sacré que la littérature. De fait, dans les lettres à Louise de cette période, il est essentiellement question de style, de réclusion volontaire à la gloire de l’art et non de l’artiste, des souffrances de l’enfantement d’une œuvre. Quand il ne parle pas de son travail, c’est pour rappeler les grands modèles, les sources exemplaires et ridiculiser les « robinets », les « poseurs » romantiques, les forfanteries littéraires. La misanthropie se mêle à la hauteur de vue, tout est prétexte à pensée et la moindre chaussure devient sujet d’esthétique. Flaubert parle à Louise avec plus d’élévation qu’à ses collègues masculins, son adoration pour la littérature est encore sublimée de cette passion entre eux qui s’épuise doucement.
 

Premières réflexions

Gigantesque.
Telle est cette œuvre, dense, novatrice mais plurielle et insaisissable s’agissant de la correspondance.
En effet, la forme épistolaire permet tout : confidences bien sûr, déclarations, billets d’humeur, diatribes, critiques de l’époque… On s’y perd ou plutôt, on s’y abandonne tant la force fiévreuse de cet homme est perceptible, intacte.Chez Flaubert, écrire n’est pas joyeux et léger, c’est un labeur. Son travail est horriblement lent et lui cause des insomnies, des douleurs physiques et mentales qu’il décrit avec des précisions chirurgicales. Il rature pendant des heures, passe des jours entiers sur une phrase, s’éreinte sur des tournures, des répétitions, le STYLE !
Précurseur sans le savoir d’un nouveau roman, il élabore dans la douleur et très progressivement les étapes d’une réflexion fondamentale pour le siècle à venir : la disparition de l’écrivain derrière l’écriture, l’invention du flou, la subjectivité des points de vue… Mais laissons cela aux érudits et faisons théâtre de cette œuvre pleine de vie !
Nous allons reconstituer une chambre d’étudiant parce que l’homme qui écrit à Louise Colet est jeune, inconnu obscur, plein d’idéal. Il travaille dans la solitude ou plutôt il vit, il mange, il se rase, il joue de la musique et l’œuvre naît de tout cela, du quotidien, des choses tangibles que l’artiste transcende, « alchimise ».
C’est un jeune homme d’aujourd’hui (pas de reconstitution historique) parce que ce qu’il nous dit est d’aujourd’hui : comment réaliser cette folle passion de l’écriture, comment mener à bien un geste aussi exigent, une nécessité aussi impérieuse…
Dans cette chambre, il y a une femme très belle, en robe d’époque, brune comme Emma, présente comme tous les personnages qu’il fait naître et lointaine comme l’est Louise, celle qu’il appelle la Muse, à qui il parle et qui lui répond.
Cette petite forme ira à la rencontre des jeunes gens là où ils sont (dans les lycées par exemple mais pas seulement) et de tous ceux comme moi fascinés par la folle rigueur de cette écriture, par son énergie, sa capacité à faire appel à toutes les ressources de l’imagination. Une source.
Christine Berg, novembre 2009

l'auteur

Gustave Flaubert


En 1823, le chirurgien-chef de l’Hôtel-Dieu de Rouen et son épouse ont déjà perdu 3 enfants en bas âge lorsque Gustave, le cinquième né, atteint ses 2 ans. L’empreinte de la mort fait du jeune Flaubert un enfant replié sur lui-même mais orgueilleux et dévoré par la passion des livres et de l’écriture. A 15 ans, il a déjà passé des nuits entières à écrire des contes et des pièces de théâtre ; ses projets ont l’envergure de ceux d’écrivains confirmés. En 1836, sur la plage de Trouville, le jeune homme rencontre la chaste épouse d’un éditeur, Elisa Schlésinger, qu’il aimera toute sa vie d’un amour platonique et douloureux.En 1844, une attaque de nerfs (d’épilepsie ?) interrompt des études de droit entreprises à Paris sans conviction. Condamné par une mère anxieuse à une vie de réclusion dorée, Gustave peut enfin s’adonner entièrement à l’écriture. Mais le deuil frappe de nouveau sa famille : son père meurt en janvier 1846 , bientôt suivi de sa sœur adorée, Caroline, âgée d’à peine 21 ans, qui laisse une petite fille de 2 mois dont il devient le tuteur. Le devoir familial s’ajoute à la maladie pour le maintenir dans le tour d’ivoire de Croisset en Normandie, maison de Campagne des Flaubert où il vivra jusqu’à la fin de ses jours.
Cette même année 1846, Flaubert rencontre Louise Colet lors d’une visite parisienne. La passion embrase Gustave pour cette poétesse belle et renommée, mais très vite la liaison se dégrade et s’interrompt même 2 ans plus tard alors que Flaubert entreprend un voyage en Orient avec son ami Maxime Du Camp. Au retour de ce périple en Egypte, en Palestine, en Grèce, en Italie, Flaubert n’est plus le même homme : son romantisme a disparu, il se livre à l’écriture comme un martyr à la croix, tout en renouant une relation de plus en plus exclusivement épistolaire avec Louise Colet.
De 1852 à 1856, il travaille frénétiquement à Madame Bovary ; le procès qui lui est fait lorsque le roman parait et dont il sort victorieux, ne fait qu’accroître son succès. Il devient dès lors un écrivain reconnu, accepte même de recevoir la Légion d’Honneur et abandonne de plus en plus son ermitage de Croisset au profit des salons parisiens les plus prestigieux. Les grands textes se succèdent au rythme lent de l’écrivain perfectionniste : Salammbô en 1862, L’Education Sentimentale en 1869, La Tentation de Saint-Antoine en 1874, Trois Contes en 1877. Devenu l’ami de George Sand et de tout ce que la littérature offre de meilleur (Hugo, Gautier, Tourgueniev, Zola…) salué par certains comme un père fondateur, il connaît néanmoins des revers de fortune qui l’amènent à finir sa vie dans une relative pauvreté. Epuisé par la tâche, livré à son éternel pessimisme, Flaubert meurt subitement le 8 mai 1880, laissant inachevé Bouvard et Pécuchet.

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